San Pedro - Salta
Prendre conscience de ce que l’on a et en profiter pleinement...
San Pedro de Atacama- Paso de Jama (En véhicule 52km/2200m dén. pos. // à vélo 106 km/750m dén. pos./1435m dén.
nég.) détails
Après discussion, nous décidons de charger les vélos sur un véhicule pour effectuer les 50 premiers kilomètres. Ça monte
en effet de manière très ardue, sous le cagnard et la route n’est pas des plus agréable. Nous passons donc de 2'500 m à
plus de 4'500 en moins de 50 minutes. Les températures diffèrent bien entre ces 2 altitudes. Nous reprenons nos vélos,
contents de pédaler à nouveau.
Les kilomètres sont avalés assez rapidement. On nous avait avertis que la douane chilienne se situerait à 90 kilomètres
mais en réalité, elle est située au même endroit que la douane argentine, au Paso de Jama, à 160 kilomètres de San
Pedro. Nous ne pensions pas l’atteindre en une journée. Certaines montées diminuent notre rythme. Les paysages sont
incroyables : lagunes, salars, volcans, déserts… La variété ne manque pas.
Nous arrivons en fin d’après-midi au Paso de Jama, sous un ciel fortement couvert. Un beau bâtiment de pierre se tient sur
la droite. Avant d’aller plus loin, nous allons y jeter un œil afin de savoir s’il nous est possible d’y dormir. Une dame nous
ouvre la porte, c’est une école et elle en est la directrice. Alors ça, une école ici, nous n’y croyons pas. Nous lui demandons
si nous pouvons dormir à même le sol dans une salle de classe. Elle nous dit qu’elle a une petite chambre à disposition
avec des matelas. Mais d’abord, comme nous sommes dans une zone de no man’s land sur territoire argentin, elle nous
demande d’aller effectuer les formalités au bâtiment de la douane pour être en règle.
Nous nous y rendons.
La sortie du Chili nous prendra pas mal de temps, pour la première fois. Le jeune douanier nous demande un papier
certifiant que nos enfants sont bien les nôtres… Alors ça, on n’a pas ! Nous lui expliquons que nous avons tous les
passeports mais pas d’autres documents. Il nous dit que c’est nécessaire. On lui répond que c’est la troisième fois que nous
passons la douane chilienne et que jusqu’à présent, tel papier ne nous avait jamais été demandé. Il va voir son chef.
Ensuite, il nous demande la marque de nos vélos. (?!?) Puis leur couleur. Et enfin le papier qui atteste que ces vélos sont
bien les nôtres. Si nous n’avons pas de papiers pour nos enfants, ce n’est pas pour les vélos qu’on en aura… Bref, après
beaucoup de calme et de patience, nous pouvons passer du côté argentin. Les douaniers n’effectueront aucun contrôle.
Grosse crise en Argentine
De retour à l’école, la directrice nous offre un thé bien chaud. Les professeurs font un feu dans une cheminée énorme dans
le couloir. Ça sent bon le feu.
Nous passons une bonne partie de la soirée à discuter avec la directrice et les enseignants. Ils viennent tous de Jujuy. Ils
partent le dimanche après-midi en bus pour arriver à Paso Jama le lundi matin à 4h. Ils nous expliquent que le lundi est
toujours un jour difficile car ils ont peu dormi et certains ont de grands problèmes avec l’acclimatation. Il n’est pas rare
d’appeler parfois l’ambulance.
Nous parlons politique, problèmes économiques, éducation.
Actuellement l’Argentine est dans une grosse crise économique. En effet, le change officiel est de 1 dollar pour 9 pesos,
mais l’état limite l’accès aux dollars aux Argentins. Du coup, un grand marché au noir s’est formé. Les Argentins l’appellent
le Blue Dollar. Un grand nombre de personnes (et même des casas de cambio qui ont pignon sur rue) effectuent le change
à 1 dollar pour 14 pesos ! Du coup, tout devient bon marché pour le voyageur qui a des dollars.
La soirée fut vraiment riche en échange. Nous apprécions vraiment ce genre de rencontres car il permet d’être en contact
direct avec la réalité et la rage de certaines personnes face à leur gouvernement.
Les enseignants qui viennent travailler dans des zones retirées et défavorisées sont plus payés que ceux qui choisissent
les villes. Les conditions sont en effet bien plus difficiles. Parfois le chauffage n’existe pas, le matériel est constitué du strict
minimum, ils doivent se séparer de leur famille durant la semaine, pas d’eau chaude pour la douche. Ils nous expliquent
que tout cela justifie largement la compensation salariale.
Le lendemain matin, les élèves arrivent pour déjeuner lorsque, à pas feutrés, nous leur laissons la place.
Paso de Jama – Susques (117 km / 400m dén. pos. / 870m dén. nég.) détails
Le ciel est complètement bleu lors de notre départ, comme souvent le matin. Une étape à plus de 4'500 m sans dénivelée.
Parfois le vent de dos nous pousse et parfois le vent tourne, latéral puis de face et là, nous sommes fortement ralentis.
Nous ne pensions pas arriver à Susques le même jour.
Dès midi, le ciel se charge fortement. Nous rencontrons des motards et discutons un peu avec eux. Puis, se posant la
question si nous allons passer entre les gouttes (Amalia toujours aux aguets d’un éventuel orage, et nous aussi) nous
poursuivons.
Susques est une petite ville poussiéreuse. Un logement qui semble correct est complet, nous choisissons un hospedaje bas
de gamme (de toutes façons nous n’avons pas plus de choix) mais ça nous va très bien. Une pluie fine commence à
tomber. Nous n’aurons jamais eu autant chaud si haut durant la nuit.
Susques – Purmamarca (135 km / 1340m dén. pos. / 2550m dén. nég.) détails
Susques est encaissé au fond d’un petit canyon. Lors du départ ça monte directement durant 10 kilomètres. Nous
atteignons ensuite à nouveau le sommet de l’Altiplano et pouvons observer ces formations géologiques magnifiques. Puis,
à nouveau une grande étendue de rien. On observe le ciel, cela deviendrait presque de la paranoïa, il faut qu’on soigne
cela…
Nous atteignons las Salinas Grandes. On s’y arrête pour pique-niquer, il est midi. On décide alors qu’on poursuivra la route
pour tenter d’atteindre Purmamarca en fin de journée. Olivier n’y croit pas trop.
Des touristes observent les vélos, nous discutons avec certains pendant que les enfants s’amusent à sculpter des petits
blocs de sel.
Nous reprenons la route, 10 km puis on débute une montée de plus de 600 m de dénivelée. A mi-grimpée, une voiture
s’arrête. Des Argentins et des Français sortent et nous discutons un moment avec eux. Ils nous donnent des boissons, des
oranges, en pleine montée c’est juste génial ! On atteint le sommet à plus de 4’000 m et là, wouhaaa, on en reste bouche
bée. Une descente comme jamais vue jusque-là. Il va falloir freiner.
Nous dépassons les camions. Cela non plus, nous ne l’avions encore jamais fait ! Je demande à Amalia de freiner très fort.
Lorsqu’Olivier et Esteban se stoppent un peu plus bas pour nous attendre il me faut 10 m de plus qu’eux pour m’arrêter.
Mes freins sont resserrés. Nous nous rendrons compte le soir en changeant les plaquettes qu’elles étaient quasiment
inexistantes… Pas très malin on le conçoit.
La vision est spectaculaire. Durant toute la descente et cela jusqu’à Purmamarca le décor est grandiose. On se croit parfois
dans un mini Brice Canyon puis la roche des montagnes passe du vert au rouge puis jaune et orange.
Grosse surprise à Purmamarca. Nous y étions venus à vélos également il y a 7 ans lorsqu’Amalia était toute petite. Les prix
et les logements ont fortement changé. Première tentative avec une chambre pour 1'200 pesos (85 CHF), aïe… ça ne va
pas le faire. Puis, nous arrivons à 800 pour une autre et les prix sont à peu près partout élevés. Nous terminerons dans le
camping situé dans le village avec des chambres à disposition à prix plus corrects pour notre budget.
Nous aurons roulé 7h20 cette journée. En expliquant cela aux enfants ils nous répondent qu’ils n’ont pas trouvé la journée
particulièrement longue, et nous sommes à plat. Comme quoi, la réalité des enfants n’est pas la même que la nôtre, et
parfois tant mieux.
Nous y restons 2 jours afin de récupérer un peu des journées précédentes, nettoyer les vélos et prendre du temps pour
l’école.
Purmamarca – San Salvador de Jujuy : (68 km / 50m dén. pos. / 980m dén. nég.)
En quittant Purmamarca, nous empruntons le chemin qui contourne le Cerro de los Siete Colores. Bien que nous ayons
déjà parcouru ce tour, nous sommes impressionnés par ces montagnes avec tant de couleurs. C’est sûr, on y repassera
encore avec mon papa.
Pour la suite jusqu’à Jujuy, ça ne devrait être qu’une partie de plaisir facile. En plus, au début, le vent de dos ajoute de la
simplicité.
Après une vingtaine de kilomètres, sans que nous ne comprenions pourquoi, le pneu arrière du vélo à Olivier crève. Le trou
dans la chambre à air est étrange. Olivier observe sa jante et là, surprise… La jante est complètement fendue sur tout le
tour avec un endroit particulièrement écarté. Bon… que faire ?
@ Marie-Claire et JP : c’est là que nous aurions bien aimé vous sortir de nos sacoches…
Nous décidons de scotcher la jante (ça se fait ça ???) et de tout remettre en place puis de voir jusqu’où cela nous mène.
Olivier est attentif tout au long de la route mais nous arrivons jusqu’à Jujuy.
La jante s’est très certainement cassée sous le poids du chargement et probablement suite à certaines pistes empruntées.
A Jujuy, nous décidons de prendre un hôtel de… luxe. Une chambre à 50 CHF pour les 4 pour une fois nous permettra
d’avoir accès à une petite piscine de surcroît chauffée, sur le toit. Surprise pour les enfants, ils sont aux anges. Pour eux,
c’est vraiment exceptionnel et ils restent toute la suite de la journée dans l’eau à tel point que la peau de leur main sera
méconnaissable.
Jujuy - Salta (95 km / 680m dén. pos. / 780m dén. nég.) détails
Le lendemain matin : buffet au déjeuner. Une fois de plus les enfants ont les yeux écarquillés. Une telle variété, ça faisait
longtemps qu’ils n’en avaient pas eue.
Olivier a cherché un magasin de vélos dans la ville afin de pouvoir changer sa jante, en vain. On décide alors de repartir en
espérant que le tout tienne encore 100 km.
Nous partons sous la pluie. Elle ne s’arrêtera que pour notre pique-nique. Nous prenons une route de corniche. Certains
nous mettent en garde car elle est très étroite et bordée de précipices. L’autre choix serait de prendre la route principale qui
ressemble fortement à une autoroute de chez nous. Nous n’hésitons pas une seconde.
La route (Salta por la cornisa) est vraiment magnifique. Presque aucun véhicule n’y roule. Elle serpente dans une très belle
végétation. Cela fait longtemps que nous n’avons pas vu autant d’arbres. Nous pourrions facilement appeler ce tracé « la
route aux arbres spectaculaires ». Certains spécimens sont absolument majestueux. A chaque virage nous en rencontrons
un qui est particulier. Respect.
En s’approchant de Salta, nous passons par un village nommé La Caldera. Amalia ne manque pas d’observer les piscines
que de nombreuses maisons comportent. Un autre standing de vie règne ici. Des maisons magnifiques, des hostals
incroyables, cette région est différente de ce que nous avons traversé jusqu’à présent.
La pluie s’accentue puis nous arrivons à Salta, détrempés. Le temps d’arriver au centre de la ville et nos vêtements ont déjà
bien séché. Arrivé sur la place principale, Olivier crie le nom de Jukka ! Notre ami finlandais se promène avec son vélo.
Nous nous étions donnés rendez-vous depuis San Pedro de Atacama mais ne savions pas qu’il était déjà arrivé. Jukka est
passé par le Paso Sico alors que nous avons emprunté le Paso Jama.
Nous logeons dans le même hostal et passons la semaine ensemble en attendant mon papa.
Olivier s’est rendu quelques mètres plus loin pour rejoindre un magasin de vélos et là, à vide, son pneu a lâché… Il dira par
la suite que vraiment, une étoile est au-dessus de nous. Je n’en doutais pas.
@ Christophe à Virgin’ le cycliste fou: just for you!
Nous laissons à présent nos vélos un peu de côté pour voyager différemment avec le grand-papa d’Amalia et Esteban.
Nous reprendrons nos vélos en Patagonie pour remonter jusqu’à Santiago au Chili.
Les étapes difficiles que nous avons vécues nous ont permis de nous remettre en question et ont également remis en
question notre tracé.
Un ami devait nous rejoindre pour la Patagonie à vélo mais il ne lui est plus possible de venir. Signe supplémentaire pour
ne pas se lancer dans l’irréalisable ? Nous avons donc bien réfléchi et avons décidé de changer quelque peu le tracé.
Nous devons faire le deuil d’un autre rêve, atteindre Ushuaïa à vélo mais nous nous disons que cela n’est que partie
remise. La route qui y mène n’est pas réaliste avec une famille et un chargement comme le nôtre. D’autres tracés seront
encore bien compliqués alors autant éviter ce qui l’est.
Nous l’avons admis, avec une certaine déception mais avec humilité.
Nous remercions toutes les personnes qui nous écrivent. On l’avoue, cela nous fait du bien. Avoir un retour et une petite
partie de ce qui est vécu « de l’autre côté » nous met d’autres soleils dans la tête. Merci.